En 2019, Google a annoncé avoir résolu en 200 secondes un calcul que le superordinateur le plus puissant aurait mis 10 000 ans à traiter. Les entreprises spécialisées investissent des milliards dans des machines capables de défier les limites actuelles du calcul.
Les institutions financières, les laboratoires pharmaceutiques et les gouvernements s’intéressent de près à cette avancée, conscients de ses implications potentielles. Les enjeux dépassent la simple performance : ils touchent à la sécurité des données, à l’innovation scientifique et à la compétitivité économique mondiale.
Plan de l'article
L’informatique quantique en quelques mots : comprendre les bases sans jargon
L’informatique quantique ne se contente pas de repousser un peu plus loin les limites du numérique actuel. Elle réécrit les règles. Quand un bit classique oscille sagement entre 0 ou 1, le qubit, brique élémentaire de cette nouvelle informatique, exploite la superposition. Il n’est ni simplement 0, ni simplement 1, mais un mélange des deux. Cette capacité provient d’une discipline qui intrigue autant qu’elle fascine : la physique quantique, qui régit le comportement des particules à l’échelle la plus infime.
| Classique | Quantique |
|---|---|
| Bit : 0 ou 1 | Qubit : 0, 1 ou superposé |
Les qubits ne s’arrêtent pas là. Grâce à l’intrication, deux qubits peuvent rester connectés, même séparés par des kilomètres : modifier l’état de l’un, et l’autre réagit instantanément. Ce phénomène, qualifié d’étrange par Einstein lui-même, ouvre la porte à des traitements de données en parallèle à une vitesse vertigineuse.
Avec cette architecture, l’ordinateur quantique manipule l’information selon des codes totalement différents des transistors classiques. Résultat : il peut aborder des défis réputés insurmontables pour l’informatique traditionnelle. La puissance de calcul ne se limite plus à la quantité de bits embarqués : elle se mesure à l’aune de la capacité à explorer, d’un seul élan, des univers entiers de solutions. Le calcul n’est plus tout à fait le même : la physique quantique en est le socle, et le champ d’action s’étend bien au-delà de ce que l’on croyait possible.
Pourquoi parle-t-on de révolution technologique ?
Avec l’ordinateur quantique, la résolution de problèmes complexes change de dimension. Là où les machines classiques calaient, de nouveaux horizons s’ouvrent : finance, santé, logistique, automobile, météorologie. Les avancées sont concrètes. La simulation moléculaire accélère la découverte de traitements inédits ; la modélisation ultra-précise de réactions chimiques rebat les cartes de secteurs industriels entiers.
Ce bouleversement se traduit aussi par des progrès majeurs dans l’optimisation : gestion des flux, planification, allocation de ressources. L’intelligence artificielle pourrait, elle aussi, franchir un cap grâce à la puissance inédite des qubits : machine learning, deep learning, toutes ces techniques profitent de la capacité à traiter simultanément un nombre colossal de possibilités.
Voici quelques usages sur lesquels le calcul quantique promet de transformer la donne :
- Cryptographie quantique : garantir la sécurité des échanges à l’heure où les schémas classiques vacillent.
- Analyse des données génomiques : vers une médecine personnalisée et une meilleure compréhension des maladies.
Dans la finance, de nouveaux algorithmes pourraient révolutionner l’analyse des risques ou optimiser la gestion de portefeuilles. La météo, elle, pourrait anticiper des événements extrêmes jusque-là impossibles à prévoir. Cette révolution ne se résume pas à un simple saut de puissance : elle invite à repenser la complexité elle-même, et à attaquer de front des défis considérés comme insolubles.
Les concepts clés pour saisir le fonctionnement des ordinateurs quantiques
Le qubit est au cœur de l’informatique quantique et marque une rupture nette avec le bit traditionnel. Alors que le bit classique ne connaît que deux états, 0 ou 1,, le qubit joue sur la superposition : il se trouve à la fois dans plusieurs états, ce qui démultiplie les perspectives de calcul. La physique quantique, où la certitude laisse place à la probabilité, offre ici un terrain de jeu inédit.
L’intrication quantique ajoute une couche de complexité fascinante. Deux qubits intriqués partagent leur état : changer l’un, c’est influencer instantanément l’autre, peu importe la distance. Cette propriété permet d’envisager des traitements massivement parallèles et des communications ultra-sécurisées grâce à la cryptographie quantique.
Pour mieux cerner les leviers de cette technologie, voici deux concepts majeurs :
- Superposition : un qubit peut coder bien plus d’informations qu’un bit classique.
- Intrication : la corrélation quantique ouvre des architectures de calcul inédites.
Les algorithmes quantiques font basculer l’informatique dans un autre monde. L’algorithme de Shor menace les systèmes actuels de cryptographie en factorisant des nombres à une vitesse autrefois inimaginable. L’algorithme de Grover, quant à lui, accélère la recherche dans de vastes bases de données. L’idée d’un ordinateur quantique naît dans l’esprit de Richard Feynman dans les années 1980, puis David Deutsch pose les bases théoriques de la machine de Turing quantique. Ici, il ne s’agit plus seulement d’aller plus vite ; c’est la façon même de résoudre les problèmes qui évolue.
Applications concrètes et défis à relever dans les années à venir
L’informatique quantique sort du laboratoire pour s’ancrer dans les projets stratégiques des industriels. La simulation moléculaire ouvre la voie à une découverte de médicaments plus rapide, à l’optimisation des réactions chimiques, à la modélisation de matériaux que même les supercalculateurs ne pouvaient traiter. La médecine personnalisée commence à devenir réalité : le calcul quantique permet d’analyser d’immenses volumes de données génomiques et d’en extraire des traitements sur mesure.
Mais le défi le plus brûlant reste celui de la cybersécurité. L’ordinateur quantique fragilise les protections actuelles basées sur la cryptographie à clé publique, mais dans le même temps, la cryptographie quantique promet de nouveaux protocoles inviolables. Des organismes comme le NIST accélèrent la conception de standards post-quantiques, adaptés à ce nouvel environnement. Sur un autre front, le cloud quantique arrive dans l’arène : IBM, Google, Amazon et Microsoft rivalisent pour offrir aux entreprises des ressources de calcul autrefois réservées à une poignée d’initiés.
La France n’est pas en reste. Avec le plan quantique français intégré à France 2030 et soutenu par Emmanuel Macron, la souveraineté technologique devient une priorité. À Massy, Quandela lance la première usine européenne d’ordinateurs quantiques, épaulée par Bpifrance. Pasqal, cofondée par Alain Aspect, s’impose également, tandis que la Novo Nordisk Foundation et Novo Holdings misent sur la génomique quantique.
Pour donner un aperçu des principaux axes où le quantique s’impose déjà ou s’imposera bientôt :
- Simulation moléculaire : accélération de la découverte de médicaments
- Cybersécurité : course entre menace et renforcement des protocoles
- Cloud quantique : accès élargi à la puissance de calcul
- Initiatives françaises : structuration d’un écosystème deeptech compétitif
La course est lancée. Au fil des avancées, l’informatique quantique n’est plus un mirage réservé aux physiciens : elle s’invite dans les stratégies nationales, bouscule les certitudes et repousse, chaque année un peu plus loin, la frontière du possible.

















































